vendredi 28 février 2014

Pour un Rimé universel




Le mot Rimé est un mot tibétain (ris-med) qui signifie « non-sectaire ».

Le mouvement Rimé au Tibet :

Le bouddhisme a été diffusé au Tibet en deux vagues. La première, au VII° siècle de notre ère, sous le règne de Songtsen Gampo, qui épouse deux princesses bouddhistes, une népalaise et une chinoise. Puis, au siècle suivant, le roi Trisong Detsen (705-755) fait venir de l'Inde Shantarakshita, puis le maître indien Padmasambhava. Il rassemble des érudits et traducteurs, et fait traduire les textes traditionnels. Il institue une lignée d'enseignement et cache des « trésors spirituels » dans des endroits secrets pour l'avenir. Des monastères sont créés. Mais à partir de 838, le roi Langdarma persécute le bouddhisme. Quelques rares familles perpétuent ce bouddhisme ancien, qui donnera l'école Nyingmapa.

La deuxième vague commence en 1040 avec la venue du moine indien Atisha (983-1054). Son disciple Dromtönpa fonde l'école Kadampa. Le Tibétain Marpa le Traducteur (1012-1097) se rend en Inde et, de retour, transmet sa lignée à Milarépa, d'où provient l'école Kagyüpa. Drokmi Shakya Yéshé reçoit les enseignements tantriques de Virupa et les transmets à Khön Köntchok Gyalpo (1034-1102), qui fonde l'école Sakyapa.
Chacune de ces grandes écoles se subdivisera ensuite en plusieurs branches, qui diffèrent par leurs textes de références et leurs pratiques principales. Les frontières entre les écoles n'ont jamais été étanches. Cependant, l'institution monastique prend au moyen-âge une importance considérable. Les monastères deviennent des puissances politiques qui se disputent le pouvoir, nouant des alliances avec des puissances étrangères (dynasties mongoles, empereurs de Chine), et les rivalités politiques entre monastères finissent par durcir les oppositions religieuses entre les écoles dont ils dépendent.

Au XIX° siècle, le maître kagyüpa Jamgön Kongtrul Lodrö Thayé (1811-1899), rejoint par le maître sakyapa Jamyang Khyentsé Wangpo (1820-1892) et le maître nyingmapa Tchögyour Détchen Lingpa (1829-1870) fondent le mouvement non-sectaire (Rimé), dans le but de produire un renouveau spirituel, et de préserver l'existence des lignées spirituelles menacées de disparition, en recueillant leurs transmissions et leurs textes. Ils sont également rejoints par le maître bönpo1 Shardza Tashi Gyaltsen (1859-1934).

Reconnaissant dans toutes les écoles l'activité de l'esprit d'éveil (bodhicitta), ils prônent une attitude qui va au-delà de la simple tolérance œcuménique. Il s'agit d'une part de comprendre le sens profond des écrits et des pratiques des autres écoles, et d'autre part de préserver la diversité des voies et des écoles, en recensant et rassemblant tous les textes de toutes les écoles.

Le mouvement Rimé est à l'origine d'un extraordinaire renouveau de la spiritualité bouddhique au Tibet, moins d'un siècle avant l'invasion chinoise, dramatique et providentielle à la fois.

Jamgön Kongtrul Lodrö Thayé

Nous, juifs, chrétiens, musulmans, hindouistes, taoïstes, bouddhistes, et adeptes d'autres religions authentiquement issues de l'Esprit saint (nous pensons par exemple aux Jaïns et aux Sikhs de l'Inde ou aux Baha'i et aux Parsis de l'Iran), reconnaissons pleinement la validité de toutes ces voies qui conduisent les hommes vers la Vie, l’Éveil et le vrai Bonheur, dans cette vie et au-delà.

Nous savons que, dans chaque tradition de l'humanité, plusieurs mentalités coexistent. Certains considèrent que leur propre religion est la seule valable, qu'elle est la parole unique de Dieu ou l'expression finie de l'Absolu, et que tous les hommes sont appelés à les rejoindre, parfois de gré ou de force. Certains autres, plus ouverts, tiennent leur propre tradition pour la meilleure qui soit, mais tolèrent l'existence d'autres voies, dans l'espoir de voir ces « infidèles » se convertir. A l'inverse, d'autres relativisent leur foi à un point tel qu'ils pensent pouvoir prendre ici ou là ce qui les intéresse, dans un syncrétisme de bric et de broc sans cohérence.

Refusant les deux extrêmes de l'exclusivisme et du syncrétisme, considérons que l'Esprit s'adresse providentiellement à tous les hommes, depuis toujours, dans la langue qu'ils parlent, et selon le contexte historique, géographique et culturel du moment. Des hommes de valeur entendent cette voix, et tentent d'en transmettre le message et les enseignements dans le cadre de traditions diverses et adaptées aux besoins des hommes. Cette diversité est un bienfait pour l'humanité, elle doit être préservée, transmise et enrichie par les pratiquants spirituels de tous les peuples.

Cette multiplicité des traditions cache et révèle à la fois l'unicité de la Vérité Ultime. Comme le moyeu immobile d'une roue, la Vérité est commune à tous et ne se révèle qu'au terme d'un cheminement qui, finalement, est propre à chaque homme.

Appelons, non seulement à la reconnaissance, mais aussi à la connaissance et à la compréhension profonde de toutes les voies spirituelles de l'humanité.

C'est cette Vérité Une aux multiples visages qui permet à chacun, selon son niveau de spiritualité, de trouver dans les textes des autres traditions ce qui renforce sa compréhension de sa propre voie. Il est licite à un Juif de lire les Upanishad, à un Bouddhiste de méditer l'Evangile, à un Musulman de reconnaître Dieu dans l'Unicité du Tao, à un Chrétien de contempler le Jésus du Coran, et à un Hindouiste de voir en Lui l'avâtara de Vishnu.

A notre époque où la globalisation permet un accès facile aux textes et la rencontre des fidèles de toutes les religions, encourageons chacun à approfondir sa propre voie, soutenons l'échange et le dialogue entre les traditions, et supportons pour tous les vrais cherchants le droit de chercher parmi les textes sacrés et les pratiques de toutes les traditions, la confirmation et le renforcement de leur propre chemin. Enfin, reconnaissons en tout cherchant sincère, un frère ou une sœur sur le chemin de la Réalité Suprême.



(1) Le bön est la religion de type chamanique qui existait au Tibet avant la première diffusion. Elle existe encore de nos jours, sous diverses formes parfois très proches du bouddhisme.

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